Avis sur Cœur de Cyclone de R. Senelier

Un roman de fantasy lumineux, porté par des personnages attachants et une plume délicate et poétique. Un coup de cœur !

Le roman

Genre : fantasy

Marathon Éditions
Disponible en versions brochée et numérique

Résumé
Dans les Archipels-Joyaux, les dragons ne sont pas de chair. Créatures mécaniques ou végétales, ces protecteurs des îles sont fabriqués par leur cavalier et animés par un cœur de tempête. Habituellement sauveteurs en mer, messagers, cartographes, les dragonniers veillent pacifiquement sur leurs îles tropicales. Cette paix vole en éclats quand Akhan, mercenaire à la tête d’une flotte d’invasion, abat un dragon et capture Clémence, sa cavalière.

couverture du roman Cœur de Cyclone

Mon avis

J’ai découvert la plume de R. Senelier dans l’anthologie Interstices des éditions HPF, avec sa nouvelle Les Fées de Tchernobyl. C’est avec plaisir que j’ai retrouvé dans Cœur de Cyclone, son premier roman, toute la poésie et la tendresse pour ses personnages qui la rendent si lumineuse.

On pourrait dire de Cœur de Cyclone que c’est un roman de science-fantasy post-apocalyptique. On risquerait cependant de faire croire à un univers plutôt sombre. On pourrait préciser que le texte s’inscrit dans le mouvement solarpunk, afin de souligner son côté optimiste. Ce serait à mon avis encore trop réducteur. Parce que si Cœur de Cyclone est effectivement tout cela, c’est aussi bien davantage. C’est un roman que j’ai trouvé foisonnant : de l’idée de ces dragons, mécaniques ou végétaux, animés par des cœurs de tempête, aux considérations écologiques sur les bouleversements dont peuvent se rendre responsables les sociétés humaines, en passant par les noms surprenants, inventifs et attendrissants des personnages, les plans militaires machiavéliques des deux camps qui s’affrontent, la multitude de personnages aussi divers et charismatiques que touchants, leurs discussions sur des thématiques aussi hétéroclites que la liberté, la démocratie, ou le choix du nom de ses animaux domestiques… je me suis régalée. R. Senelier aime ses personnages, ses paysages, ses dragons et leurs tempêtes, et ça se sent : son amour rayonne à travers ses mots.

J’ai eu un mal fou à ne retenir que quelques extraits pour vous les partager ici : j’aurais voulu tout surligner. Ce texte est un véritable bijou, qui ne demande qu’à vous surprendre, vous émouvoir, vous attendrir, vous faire rire et pleurer, et vous émerveiller, page après page.

Quelques extraits

— Nous les appelons, Douce. Nous les appelons, ces tempêtes pour lesquelles tu t’inquiètes. Et je ne sais pas ce qui fait qu’elles répondent et qu’elles restent avec nous, mais elles restent. Et je suis convaincu que c’est de leur plein gré.

La jeune femme releva le dos et le regard, royale. Un instant, l’orage crépita dans ses yeux bleus.
— Et mon bonheur alors ? Ai-je le droit d’y penser ?
— Tu as dix-sept ans. Tu n’as pas la maturité et le recul pour savoir ce qui est bon pour toi. C’est un travail dangereux et sale qui n’a rien à t’apporter. Profite de la sagesse de tes aînés et écoute-nous. Tu nous remercieras plus tard de t’avoir dissuadée de…
— Vous n’allez pas m’en dissuader.
Un silence retentissant s’invita dans la chambre sage, rompu uniquement par le bruissement de la brise dans les hibiscus et les bougainvilliers. Elle regarda sa tante inspirer et ravaler sa colère pour n’être plus que cette façade de dignité droite et austère, maîtrisée jusqu’à n’être plus que l’image de ce que l’on attendait d’elle. Clémence, elle, avait dans l’idée d’être plus que la somme des attentes d’autrui.

— Et ça ne devrait pas avoir de sens de vouloir les difficultés de l’univers, mais si je peux avoir son infini et sa diversité avec… alors je prends volontiers toutes ses épreuves aussi.
Dans le lointain, le tonnerre gronda. Le son ressemblait à une promesse.

Certaines tempêtes devenaient dragon avec une forme de prudence, une curiosité neuve et mesurée. Pas elle. Germe-l’Orage s’était engouffrée dans cette existence avec une jubilation déchaînée et destructrice. Elle plongea avec cette même énergie vers les frégates.

Le chocolat encore fondant de la viennoiserie lui laissa un goût de poussière dans la bouche. D’un regard, la jeune femme embrassa la place qui s’éveillait lentement. L’aube ressemblait à toutes celles qu’elle avait connues et l’ambiance à aucune autre.
— J’ai l’impression d’entraîner tout le pays avec moi pour mener mes batailles, avoua-t-elle finalement. Est-ce que j’ai été égoïste, Verdun ? Est-ce qu’en refusant de fléchir, je force à mourir debout des gens qui auraient préféré vivre à genoux ?

Un regard à l’intellect dangereux jaugea le Conseiller. Ce dernier étouffa un frisson alors qu’une lueur rusée brillait brièvement dans les iris de son vis-à-vis. L’intelligence, il l’avait constaté, n’était une qualité que proportionnellement à l’humanité de son porteur.

La poudre à canon, lui avait-on appris un jour distant – quand la paix était encore une évidence et le Gunpowder une variété de thé – se composait de charbon, de salpêtre et de soufre. La poudrière de ses émotions, elle, se constituait de souffrance, de désespoir noir et d’impuissance furieuse à parts égales.

Au bilan

Lisez-le. Je parie que vous ne le regretterez pas.



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