Chronique du roman de Sacha Morage : La Voix de la vengeance
La chronique d’une décadence, au travers d’une plongée pétrifiante dans l’esprit d’une psychopathe
Le roman
Genre : fantasy young-adult
Éditions Plume Blanche
Disponible en versions brochée, numérique et audio
Résumé
Vaelle a tout perdu.
Son frère d’abord, égorgé sous ses yeux. Son futur ensuite, puisqu’elle est désormais traquée par le puissant Bureau pour usage illégal de sa Voix.
Il ne lui reste qu’une chose : la vengeance. Elle se le promet : elle tuera Yervain, le membre du Bureau responsable du meurtre de son frère. Quel qu’en soit le prix. Peu importe les conséquences.
Son obsession pour Yervain l’entraîne de plus en plus loin, dans des sacrifices de plus en plus sanglants, et des ténèbres de plus en plus obscures. Jusqu’au point de non-retour.
Mon avis
La Voix de la vengeance, c’est une immersion dans la tête et les pensées d’une psychopathe.
C’est la première chose qui m’a frappée avec le personnage de Vaelle : cette impression diffuse qu’elle est entièrement centrée sur elle-même, qu’elle ne ressent pas réellement les sentiments qu’elle croit éprouver à l’égard des autres.
C’est d’ailleurs aussi ce qui m’a gênée sur le début de ma lecture. Parce que Vaelle se répète inlassablement qu’elle veut venger son frère, mais toujours avec beaucoup de froideur. En intellectualisant totalement cette intention. Ce ne sont pas ses tripes, la douleur du deuil ou la rage de l’injustice, qui la poussent. C’est un calcul glacial, qui se pare des atours de la logique et du droit… alors que, disons-le franchement, il est difficile de considérer que la justice est de son côté, puisque son frère a été tué par des représentants de l’autorité en situation de légitime défense.
L’autrice a donc réussi l’exploit de me faire beaucoup apprécier un roman dans lequel, pourtant, je n’ai dès le début éprouvé aucune empathie pour l’héroïne.
Ce que j’ai rapidement ressenti, en revanche, c’est une espèce de fascination morbide.
Parce que Vaelle est bel et bien une anti-héroïne. Elle est foncièrement antipathique, et c’est clairement assumé. Au fil de l’intrigue, elle monte crescendo dans l’horreur et l’abomination (et je vous jure que je pèse mes mots, même si je n’en dirai pas davantage pour ne pas spoiler) des actes qu’elle est capable de commettre, sans jamais cesser de se mentir à elle-même sur la pureté de ses intentions, alors qu’il m’a semblé très vite évident que sa quête n’était que celle du pouvoir. Une psychopathe, donc.
Au niveau du rythme du récit, j’ai quelquefois trouvé que certaines révélations tardaient un peu à venir, parce qu’elles sont si bien préparées qu’on les devine pour la plupart longtemps avant l’héroïne elle-même, ce qui peut lui donner un côté très naïf. Mais il ne faut pas oublier que je lis avec des yeux de mon âge (😬) et je pense que le lectorat cible (young-adult) ne partage pas du tout cette impression.
Quant à l’univers, son exposition m’a semblé parfaitement dosée : le système de magie est original et cohérent, le cadre socio-politique est bien construit, et tout est dessiné par petites touches, juste suffisantes pour nous faire comprendre comment fonctionne ce monde sans jamais nous noyer sous des informations inutiles.
Pour conclure ce bref avis, je terminerai en disant que de mon point de vue, le gros point fort du roman, c’est sa fin. Elle est juste… parfaite. Avec un petit côté jouissif. Vraiment. Et c’est frustrant de ne pas pouvoir en dire plus sans spoiler. 😅 Bref, lisez-le !
Quelques extraits
Comme toutes les histoires de vengeance ou d’amour, la mienne commença par une obsession. Celle que j’avais pour Yervain du Bureau de Contrôle des Voix, depuis qu’il avait, au milieu d’une nuit d’été brûlante, tué mon frère.
Mon frère, c’était un digne héritier de l’extrême sud, de notre peuple d’anciens pirates et d’aventuriers fous qui, pendant des siècles, avaient traversé les mers infinies pour chercher ses trésors engloutis et chasser ses animaux mythiques. Oui, un pur descendant des princes navigateurs légendaires. Jamais il n’aurait coopéré. Jamais.
C’était comme le soir dans mon lit, comme à l’adolescence sur les plages rouges de Terransson. Ma gorge qui se contracta différemment, la chaleur qui se diffusa, qui venait de mon centre de gravité, et qui remontait, de mes poumons à mes mots. Le changement subtil dans l’atmosphère qui me fit frissonner.
Et le moment où le mot frappa le garde. Où il s’arrêta d’un coup, une expression de surprise figée sur le visage, ses lèvres épaisses tordues comme sur le point de parler.
Je regrettai immédiatement. Qu’as-tu fait ?
Elle est comme toi. Non. Au contraire, nous étions à l’opposé l’une de l’autre. Elle maltraitait, elle écrasait. Je n’avais jamais rien fait de tel.
Lorsque les petites Voix sauvages Parlent pour se défendre, c’est toujours absolument fascinant de voir ces éclats colorés qui teintent l’air tout autour. Vous, pauvres profanes, vous ratez parfois de véritables œuvres d’art.
Au bilan
Un univers fascinant, avec une anti-héroïne qui, dans son genre (un peu à la manière d’un serial killer), l’est encore davantage.
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