Chronique du roman de Patrice Gain : Les brouillards noirs

Dernier coup de cœur de l’année pour ce roman noir, sombre et lumineux.

Le roman

Genre : roman noir

Éditions Albin Michel
Disponible en versions brochée et numérique

Résumé

Raphaël est violoncelliste et ne vit qu’à travers son instrument. Cette passion l’a éloigné depuis onze ans de sa fille Maude.
Mais quand il apprend qu’elle a disparu lors d’un voyage aux Îles Féroé, il part aussitôt dans cet archipel nordique…

couverture du roman Les brouillards noirs

Mon avis

J’ai de la chance avec mes lectures de cette fin d’année, car ce roman est un nouveau coup de cœur pour moi.

Un personnage principal violoncelliste (j’aime le timbre chaud du violoncelle) et les îles Féroé pour cadre, il n’en fallait pas davantage pour me donner envie. Bien m’en a pris. J’ai été touchée à de multiples reprises dans le roman par le lien profond que dessine l’auteur entre Raphaël et son violoncelle. Quant aux îles Féroé, davantage qu’un simple cadre pour le récit, elles y tiennent un rôle à part entière, au même titre que les personnages. Ce roman n’aurait pas été le même sans cette météo particulière, ces éléments qui se déchaînent et malmènent Raphaël – pluie, neige, vent, froid… et ces brouillards noirs dont est tiré le titre – ; sans le caractère sauvage de ces paysages, qui contribuent à instaurer une ambiance inquiétante, qui flirte presque avec l’irréel ; et surtout, sans la tradition féroïenne des grindadráps, qui se trouvent au centre de l’intrigue, et vers lesquels tout converge.

Les grindadráps…

J’ai découvert ce dont il s’agit en lisant le roman.

Rien que pour ça, je n’aurais pas voulu passer à côté. Comment pouvais-je ignorer l’existence de cette pratique ? Le passage où Raphaël assiste à l’un d’eux m’a profondément marquée. Bouleversée. Horrifiée. Révulsée. J’ai été si secouée que quelque chose au fond de moi refusait de croire à ce que je lisais. J’ai même effectué quelques recherches sur internet, pour tenter de me rassurer… Et j’ai vu des photos. Je n’ai pu que constater qu’il n’y a malheureusement aucune exagération dans les descriptions de Patrice Gain.

Ce roman raconte l’horreur, la barbarie, la cupidité de l’être humain, dans toute leur noirceur.

Et pourtant.

Ses pages sont aussi teintées de lumière, d’amour et de mélancolie. Parce qu’à travers la quête de Raphaël, on entrevoit ce qui le lie à sa fille, malgré la longue séparation qui leur a été imposée. On croise des êtres porteurs d’espoir, qui refusent de perpétuer des pratiques traditionnelles qu’ils réprouvent, qui luttent avec passion pour défendre ce qu’ils estiment être juste, ou qui acceptent sans misérabilisme de se contenter du peu qui leur a été accordé. Et surtout, derrière leur rudesse, sous la plume de l’auteur, on devine la beauté de ces paysages.

Quelques extraits

Je n’ai jamais su faire ça, abandonner ce que j’ai aimé sur le fil du temps pour écrire une nouvelle partition. Dans mon esprit, rien n’a jamais été pur, surtout le présent. Les bonheurs que j’ai eus, je les ai toujours sentis monter en moi a posteriori. J’avais beau m’évertuer à vouloir changer de mélodie, celle de la mélancolie était la plus tenace. Elle a poissé mon existence.

Les fragrances de la pinède qui dégringolait jusqu’à la plage. Celles de la sieste aussi, dans les hamacs tendus entre deux troncs rugueux et voûtés qui transpiraient des perles ambrées délicieusement odorantes.

L’avion est un piège : en une poignée de minutes, on passe d’un monde à un autre en pensant machinalement que celui où l’on pose les pieds n’est que la continuité de celui que l’on vient de quitter.

Les sonorités nées de ce déchaînement étaient sentencieuses. Le village fantôme dans lequel nous étions réfugiés était devenu un instrument à vent. Un orgue. Chaque mur, chaque angle, chaque ruelle avait sa tonalité. C’était beau et effrayant à la fois. Beau comme un couple de violoncelles interprétant « Tempête » de Mathias Duplessy, et violent comme les ouragans levés par Poséidon pour empêcher Ulysse d’arriver au port.

– Je grimpe parce que sur le chemin de nos vies rêvées, il y a tellement de monde en rade sur le bas-côté qu’on ne trouve la lumière et le silence qu’en s’élevant.

Je me suis assis sur la banquette, avec dans les oreilles la pire chose qu’un père puisse entendre et entre les deux un immense désarroi qui donnait à voir le néant.

Maude était de nouveau entrée dans ma vie en quittant la sienne. Vivre avec ce venin dans les veines, voilà ce que je m’infligeais.

Au bilan

Un roman tout en ombres et lumières, qui m’a bousculée et émue.



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