Chronique du roman de R.F. Kuang : Yellowface

Un roman qui démarre très fort… mais ne m’a pas vraiment convaincue sur la durée.

Le roman

Genre : contemporain

Éditions The Borough Press
Disponible en anglais en versions brochée, reliée, numérique et audio
(NB : la traduction française n’est pas encore disponible)

Résumé

The No. 1 Sunday Times and New York Times bestseller from literary sensation R.F. Kuang
*A Reese Witherspoon Book Club pick*
*Shortlisted for Waterstones Book of the Year*

‘Propulsive’ SUNDAY TIMES
‘Razor-sharp’ TIME
‘A riot’ PANDORA SYKES
‘Hard to put down, harder to forget’ STEPHEN KING

Athena Liu is a literary darling and June Hayward is literally nobody.

White lies
When Athena dies in a freak accident, June steals her unpublished manuscript and publishes it as her own under the ambiguous name Juniper Song.

Dark humour
But as evidence threatens June’s stolen success, she will discover exactly how far she will go to keep what she thinks she deserves.

Deadly consequences…
What happens next is entirely everyone else’s fault.

R.F. Kuang’s book ‘Yellowface’ was a #1 Sunday Times bestseller w/c 04-06-23
R.F. Kuang’s book ‘Yellowface’ was a #5 New York Times bestseller w/c 04-06-23

couverture du roman Yellowface

Mon avis

L’intrigue se déroule dans le microcosme littéraire américain. Athena Liu est une autrice dont les premiers romans ont tous remporté un franc succès. À sa mort (dans un accident aussi stupide que grotesque), June Hayward, une ancienne camarade de fac dont le premier roman a fait un flop et qui la jalouse depuis toujours, lui vole le manuscrit qu’elle vient tout juste de terminer. Elle se l’attribue et le fait publier sous le nom de plume de Juniper Song. Le roman (qui parle du corps de travailleurs chinois de la première guerre mondiale) est un succès, mais rumeurs et interrogations circulent sur internet : June en est-elle vraiment l’autrice ? A-t-elle légitimité à écrire sur des asiatiques alors qu’elle-même est blanche ? A-t-elle choisi un pseudonyme qui laisse planer l’ambiguïté sur ses origines afin de mieux tromper le lectorat ?

J’ai lu à divers endroits que le roman était classé dans la catégorie thriller, mais il manque trop de tension à mon goût pour mériter cette appellation. Je le vois davantage comme une satire du milieu littéraire.

J’ai été vraiment happée par le début : j’ai adoré détester le personnage de June, contempler les travers croustillants (très exagérés, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y trouver un fond de vérité) du milieu littéraire et des gens qui y gravitent. J’ai ressenti un petit côté jubilatoire à me plonger dans cette histoire et à y reconnaître, dans les divers comportements et événements décrits, ce que l’on peut parfois soi-même penser ou ressentir quand on tente de pénétrer dans ce milieu. Je me suis quand même sérieusement demandé si quelqu’un qui n’y connaît rien au monde de l’écriture et/ou de l’édition pourrait trouver le récit intéressant.

Et puis, et puis… J’ai trouvé que ça s’essoufflait rapidement en cours de route. Il m’a semblé qu’une longue partie du roman, en son milieu, ressassait en boucle les mêmes questions, en particulier autour du own-voice (dans le cas présent, est-ce qu’une autrice blanche est légitime à écrire sur une minorité d’Asie du Sud-Est), sans que l’intrigue ne progresse, ni que le personnage principal n’évolue. J’ai vraiment eu la sensation que le récit s’enlisait, au point de réellement m’ennuyer. Heureusement, dans le dernier tiers ou quart du roman environ, l’intrigue redémarre et mon ennui s’est estompé.

Au final, peut-être parce que j’avais de grandes attentes (on m’en avait dit beaucoup de bien et j’ai trouvé le début vraiment prometteur et excellent), j’ai été plutôt déçue par ma lecture. J’aurais aimé détester June jusqu’au bout, mais au fil de ma lecture, petit à petit, j’ai fini par ne plus ressentir pour elle qu’une forme de dégoût mêlé d’indifférence, au point que je n’avais même plus particulièrement envie de découvrir le sort qui l’attendait. J’aurais aimé plus de tension, quitte à ce que le roman soit plus court, pour ne pas ressentir cette pesante sensation d’enlisement au milieu. La toute fin m’a semblé habile, mais j’aurais peut-être aimé aussi que la grande révélation qui la précède soit moins banale. Bref, j’aurais sans doute apprécié un roman qui colle davantage à ce que j’attends d’un thriller… parce que je croyais, à tort, lire un thriller.

Si je l’avais lu comme une satire sociale, qui se focalise en particulier sur le milieu littéraire, j’aurais sans doute davantage apprécié ma lecture. Car à ce niveau-là, il me semble que le roman fait le job : pratiques de communication parfois trompeuses, propriété intellectuelle, plagiat, préoccupations commerciales dans l’édition, cancel culture, addiction aux réseaux sociaux et à la popularité, harcèlement, racisme ordinaire… Les thèmes abordés sont nombreux et touchent souvent juste.

Quelques extraits

Writers our age—young, ambitious up-and-comers just this side of thirty—tend to run in packs. You’ll find evidence of cliques all over social media—writers gushing over excerpts of one another’s unpublished manuscripts (LOSING MY HEAD OVER THIS WIP!), squealing over cover reveals (THIS IS SO GORGEOUS I WILL DIE!!!), and posting selfies of group hangs at literary meet-ups across the globe.

People always describe jealousy as this sharp, green, venomous thing. Unfounded, vinegary, mean-spirited. But I’ve found that jealousy, to writers, feels more like fear. Jealousy is the spike in my heart rate when I glimpse news of Athena’s success on Twitter—another book contract, awards nominations, special editions, foreign rights deals. Jealousy is constantly comparing myself to her and coming up short; is panicking that I’m not writing well enough or fast enough, that I am not, and never will be, enough. Jealousy means that even just learning that Athena’s signing a six-figure option deal with Netflix means that I’ll be derailed for days, unable to focus on my own work, mired by shame and self-disgust every time I see one of her books in a bookstore display.
Every writer I know feels this way about someone else. Writing is such a solitary activity. You have no assurance that what you’re creating has any value, and any indication that you’re behind in the rat race sends you spiraling into the pits of despair. Keep your eyes on your own paper, they say. But that’s hard to do when everyone else’s papers are flapping constantly in your face.

We’ve sold rights in Germany, Spain, Poland, and Russia. Not France, yet, but we’re working on it, says Brett. But nobody sells well in France. If the French like you, then you’re doing something very wrong.

They tell authors never to look at Goodreads, but nobody follows that advice—none of us can resist the urge to know how our work is being received.

I do fully believe that awards are bullshit, but that doesn’t make me want to win them any less.

I’m impatient to hear more, but this is how things are. Publishing crawls. Gatekeepers sit on manuscripts for months, and meetings happen behind closed doors while you’re dying from anticipation on the outside.

Ailin interrupts me. “My name is pronounced ‘Ai-lin.’”
“Oh, Ailin, sorry.” I feel a twinge of irritation. I was copying Annie’s pronunciation, and Ailin hadn’t interrupted her.
“I just think it’s very important that we get our names right,” Ailin says to a smattering of applause. “I used to be afraid of telling people they’d gotten my name wrong, but I’ve now made it a part of my praxis. It matters that we defy white supremacy, every day, bit by bit. It matters that we demand respect.”
More applause. I lean back from my mic, cheeks red. Seriously? Praxis?
“Of course,” Annie says smoothly. “Sorry about that, Ailin. I should have asked for pronunciation guides before the panel.”
“Ai-lin,” I say, slowly and correctly, since I feel obligated to say something. “Like you’re ailing, but in Texas.” I’m trying to be funny, but apparently this comes off the wrong way as well, because the audience visibly tenses.

When you’ve got a project in your jaws, a full-time writing schedule feels like a blessing. But when you’re struggling to come up with a concept, the hours feel suffocating, accusatory. Time should be flying by as you sit wild-eyed at your laptop, possessed by the muse, pouring out your magnum opus. Instead the seconds creep to a halt.

Au bilan

Une lecture à appréhender davantage comme une satire du milieu littéraire que comme un thriller.



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