Chronique du roman de Valentine Stergann : L’indifférence de l’eau qui dort

Un roman au pitch prometteur, mais qui n’a pas réussi à m’émouvoir.

Le roman

Genre : contemporain

Éditions Charleston
Disponible en versions brochée et numérique

Résumé

Bien plus que de bons rapports de voisinage, ce qui lie Faustine à Georges, son voisin retraité, est une amitié fusionnelle et unique. C’est Georges qui lui a porté secours lorsqu’elle a débarqué seule, enceinte de huit mois, dans cette petite ville normande. Depuis, il est devenu comme un père pour elle et un grand-père pour son fils Tristan. Aussi, lorsque le vieil homme décède sans héritier direct, mère et fils décident de fouiller dans le passé de ce voisin mystérieux.
Que la maison de Georges soit léguée à de lointains cousins qu’il ne connaissait pas est une fin inconcevable.
À la faveur d’une photo retrouvée et d’une lettre énigmatique, les voilà tous les deux prêts pour une enquête qui les mènera jusqu’en Angleterre. Ce voyage pourrait bien bouleverser leur vie, car les eaux dormantes ne sont pas toujours aussi calmes qu’il n’y paraît…
À la fois émouvant et dans l’air du temps, un roman d’amitié, d’amours passées et de secrets inavoués.

couverture du roman L'indifférence de l'eau qui dort

Mon avis

Ce roman a gagné le Prix du Livre Romantique 2023, et son pitch me semblait plein de promesses. Malheureusement, ma lecture m’a déçue, peut-être parce que j’avais mal placé mes attentes.

Je ne pense pas être particulièrement difficile sur la forme, pourtant, dans ce roman, c’est la première chose qui m’a frappée, et ce dès le premier chapitre : parler d’yeux « qui pétillent d’émotion » pour évoquer le chagrin d’un personnage qui vient de quitter les obsèques d’un ami cher à son cœur, j’ai trouvé cela étrange, voire maladroit. Et ce n’est pas un cas isolé, d’autres choix de mots qui m’ont paru contestables émaillent l’ensemble du roman. Quelques exemples :

— À qui est ce pull ? […] C’est celui de Kit ?
Je ne devrais même pas m’abaisser à répondre à ses illusions.

(J’aurais plutôt écrit allusions.)

[…] son agressivité n’a été que le reflet du malaise que j’ai instigué dans son existence […]

(J’aurais plutôt écrit instillé.)

Mais dans la forme, ce qui m’a le plus gênée, c’est surtout l’utilisation intensive d’expressions toutes faites. Il y en a vraiment beaucoup, plusieurs par page, ou même par phrase, comme dans celle-ci :

Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour deviner qu’il regrette, ça se voit comme le nez au milieu de la figure.

J’imagine que c’est un choix, et comme tout choix, il se respecte. Cependant, cela donne un style auquel, personnellement, je n’ai pas vraiment accroché.

Les personnages, ensuite. Je n’ai malheureusement pas réussi à éprouver d’empathie pour Faustine, la narratrice. Elle a vécu énormément de galères, est allée par exemple jusqu’à se priver de nourriture pour que son fils puisse manger à sa faim ; je m’attendais à trouver en elle une certaine résilience face aux petits tracas du quotidien, et pourtant, elle passe son temps à se lamenter sur le comportement de son fils adolescent – qui, à mon humble avis, n’agit même pas de manière à le mériter, loin de là. Cet apitoiement me l’a rendue assez antipathique, de même que l’absence d’empathie dont témoigne sa décision de chambouler la vie de toute une famille en leur déterrant au visage des secrets enfouis depuis des années. Je n’ai pas été touchée non plus par Georges, Beck, Felix, ou Amelia, qui sont trop peu présents pour que j’aie eu le temps de m’attacher à eux. Les caractères de Tristan et Kit m’ont davantage convaincue, mais le comportement de Kit m’a semblé si caricatural, dès son apparition dans l’intrigue, que je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le stéréotype qu’on retrouve dans de nombreuses romances du beau gosse ténébreux, froid et distant, qui va se révéler en réalité tendre et attentionné. Et mon indifférence, voire mon agacement, à l’égard de tous ces personnages ne m’a pas permis de ressentir les émotions que l’autrice cherche à faire passer : c’est d’autant plus dommage que ce qui motive l’intrigue, c’est l’attachement – que je n’ai pas vraiment perçu – de Faustine à Georges, son voisin qui vient de mourir.

L’intrigue, d’ailleurs. Je m’attendais à un périple infructueux en Angleterre, qui aurait surtout été prétexte à évoquer la force des liens d’amitié tissés par Faustine et Tristan avec Georges, à les rapprocher de lui à travers la découverte de paysages, de lieux et de gens qu’il avait aimés. Je m’attendais à une escapade entre une mère et son fils devenus un peu étrangers l’un à l’autre, qui les aurait aidés à retisser les liens forts qui les unissaient avant l’adolescence de Tristan. Et, certes, il y a un petit peu de tout ça, en toile de fond… Mais j’ai surtout eu l’impression que le fil conducteur de l’intrigue, c’était ❗Attention, ce qui suit contient un spoil👉 . Et cela m’a déçue, parce que ce n’était pas du tout ce que j’espérais trouver en lisant ce roman.

Quelques extraits

Mon regard est attiré par une photo qui diffère des autres. Je peux y voir Georges, de profil, observant le coucher du soleil sur une plage de galets. Sur ce cliché, il doit avoir une trentaine d’années. Je reconnais son sourire en biais et ses yeux bleus malicieux. Il a un brushing improbable à la Mel Gibson dans les années 1980 qui me fait sourire. Je retourne machinalement la photo pour découvrir ce qui est annoté au dos.
« 1984, plage Est de Selsey. En souvenir d’une soirée idyllique. Parce que tout a une fin. »

Le jardinier s’apprête à reprendre sa besogne, mais je n’ai pas envie de perdre la face devant un homme aussi condescendant. Ce n’est pas parce qu’il a des yeux couleur océan qu’il peut tout se permettre.
— Je voulais juste vous demander où se trouve la réception.
— La réception ? répète-t-il d’une voix blanche.
Les bras désormais croisés sur la poitrine et la bouche légèrement en avant, j’opine du chef. Le jardinier pose son sécateur, puis d’un geste exagéré de la main, m’indique un énorme panneau sur lequel est inscrit : « Réception ».
Faustine Mulot, ou comment passer pour une idiote en une leçon.

Je me suis toujours demandé quel goût avait le bonheur. Petite, je pensais qu’il possédait celui des pommes de terre sautées de ma grand-mère. Lorsque j’en mangeais, mon sourire était tellement gigantesque qu’on ne voyait plus que ça sur mon visage. Puis, avec le temps, j’ai compris que le bonheur n’avait pas réellement de goût, mais qu’il titillait le moindre de nos sens. Surtout, il était chaque fois associé à une personne qui m’était chère. Et puis un jour, le bonheur m’a éclaté en plein visage et il portait un nom.
Felix Fishman.
Il était le goût des pommes de terre sautées sur mes lèvres, le piaillement des oiseaux au réveil, le parfum de la pluie avant l’orage, la beauté d’un paysage de bord de mer, et la sensation du velours sur la paume de mes mains.

Au bilan

Un roman qui n’a pas su me convaincre, sans doute parce que je m’attendais à y trouver une tout autre histoire que celle qu’il raconte.



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