Chronique du roman d’Ars O’ : Bain de boue
Un roman bouleversant et porteur d’espoir, dans lequel l’humain survit malgré la boue et tout ce qu’elle charrie d’horreurs.
(Service Presse)
Le roman
Genre : dystopie
Éditions du Sous-Sol
Disponible en versions brochée et numérique
Résumé
La bauge, peut-être demain, après la catastrophe.
Tout n’est que boue à perte de vue.
Au centre, le refuge, où le Jardinier règne en maître sur deux castes : les pelleteux, chargés de repousser la boue, et les puterels, une cour de très jeunes hommes et femmes privilégiés mais à sa merci. Certains sont nés là et ne connaissent rien du monde extérieur. D’autres, plus rares, sont venus d’ailleurs, par-delà les ruines, et prétendent ne pas savoir pourquoi.
Il en est ainsi de Lana et Rigal, qui, lassés de lutter contre la boue, coulée après coulée, ont décidé de fuir l’hostilité des lieux pour faire la route inverse. Flanqués du Puterel roux et de la Môme, sa jeune protégée, ils tentent d’échapper aux dangers de l’environnement et des hommes pour retrouver le chemin de la lumière.
Au fil d’une narration tirée au cordeau, qui lève progressivement le voile sur le passé de ces personnages aussi énigmatiques qu’attachants, la dystopie prend peu à peu la forme d’une épopée flamboyante, portée par une langue d’une grande richesse et d’une formidable inventivité.
Scientifique de formation, Ars O’ a publié des livres dans des genres variés. Bain de boue, son premier roman signé sous ce nom de plume, marque un tournant dans sa carrière.
Mon avis
Je remercie les Éditions du Sous-Sol pour ce roman, que j’ai reçu via l’opération Masse Critique de Babelio.
J’ai parcouru les quelques avis déjà publiés à son sujet, et j’avoue que certains d’entre eux, qui reprochent au roman sa froideur, m’ont franchement étonnée. En ce qui me concerne, cette lecture s’est avérée relever d’un franc coup de cœur.
Alors oui, la langue est âpre et dépouillée, comme l’est le décor dans lequel évoluent les personnages. Oui aussi, les mots et les actes sont durs, souvent. Mais Bain de boue, c’est avant tout une histoire porteuse d’espoir. Celui que malgré le sale, malgré l’horreur, malgré l’abject, une part d’humanité parvient à survivre et à grandir dans des êtres qui peuvent en sembler dénués. Que, lorsque l’on gratte un peu sous la boue, enfouis sous des blessures infligées par le monde ou les autres, on trouve des sentiments, qui ne manquent que de mots pour être exprimés.
Lana et Rigal fuient la bauge, ses coulées et sa boue porteuses de mort. Le Puterel et la Môme fuient le Jardinier et ce qu’il fait subir aux enfants et adolescents dont il s’entoure. Et au fil de leur périple, ces personnages que tout oppose, leur passé comme leurs conditions de subsistance au refuge, tissent des liens. Ils apprennent à se côtoyer, à s’entraider, à se comprendre, à s’aimer. Avec maladresse, avec pudeur, mais plus que tout, avec une sincérité poignante.
On pourrait arguer que Bain de boue n’est qu’un exercice de style. Et en tant que tel, ce serait déjà une réussite ! Parce que chaque personnage a sa voix propre, que l’on identifie sans difficulté, sans même comprendre par quel merveilleux artifice, à chaque transition, on parvient en quelques mots à peine à discerner quel point de vue Ars O’ a choisi d’adopter. Parce que malgré la rudesse des termes employés, malgré la syntaxe parfois rudimentaire qui caractérise certains personnages, une étrange poésie se dégage du texte. Mais je crois que réduire Bain de boue à un exercice de style serait bien loin de rendre justice au roman. Parce que, toujours, le style y est au service du récit. Parce que son dépouillement n’est qu’un reflet de la bauge et de l’effet qu’elle exerce sur les êtres qui la peuplent. Et parce que la vie, l’amour et l’espoir qui palpitent derrière la dureté de ces mots ont d’autant plus de force qu’ils se cachent puis se dévoilent là où rien ne nous aurait laissé les espérer.
Je suis sortie de ma lecture bouleversée, secouée, époustouflée. C’est l’un de ces romans qui viennent nous rappeler en une grande claque pourquoi on aime lire.
Quelques extraits
— OK, il dit. Tout le monde sait ce qu’il fait dans la bauge mais personne sait pourquoi il est là.
— Je suis là parce que le Jardinier a pris ma mère par-devant, le Puterel insiste. Et toi et la Grande parce qu’on vous y a collés.
Rigal se demande s’il préférait pas quand le Puterel lui envoyait des fions. D’ailleurs c’est peut-être encore des fions, qu’il envoie.
— Je sais qu’on m’y a collé, il dit quand même. Mais je sais pas pourquoi.
La Môme le regarde. Il a du mal, lui, à la regarder. C’est un peu comme quand les stolons lui pressaient le bide, mais plus haut dans le corps, et pas tout pareil. Dans les grands yeux d’étoiles de la Môme, il y a une chose bizarre qui le fait se sentir petit. C’est peut-être qu’elle a monté sur la construction. Qu’elle a pas eu peur et qu’elle a eu la force. Elle est peut-être juste contente comme lui était content d’avoir dit merde au Jardinier. Ou d’être parti sans lui dire merde mais d’être parti quand même, et ça revient au même.
Au bilan
Un énorme coup de cœur pour ce roman, dont la langue dépouillée transcrit à merveille les émotions pudiques qui animent des personnages profondément touchants d’humanité.
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