Avis sur Edie and Violet Bond d’Amanda Glaze

Excellente surprise avec ce roman YA qui nous plonge dans l’univers du spiritisme sur fond de lutte féministe.

Le roman

Genre : thriller fantastique young-adult

Éditions Castelmore
Disponible en versions brochée et numérique

Résumé
Voyagez dans le monde des esprits avec ce thriller fantastique haletant, plein de sororité et de révolte féminine, et inspiré de la vie de véritables jumelles médiums ayant vécu au XIXe siècle.

Sacramento, 1885. Edie et Violet Bond, sœurs jumelles de dix-sept ans, sont de puissantes médiums : Violet sait ouvrir le Voile qui sépare la vie de la mort, et Edie est capable de le traverser pour arpenter le monde des esprits. Mais leurs dons ne leur ont été d’aucune aide quand, suite à la mort de leur mère, leur père a menacé de les faire interner dans un asile.
Après avoir fugué, Edie et Violet ont rejoint une communauté soudée de femmes – poétesses, actrices, musiciennes et oratrices, sous couvert de communion avec les esprits, elles peuvent se permettre de dire en public ce qui leur est normalement interdit.
Mais un soir, le numéro de Violet tourne au désastre, et Edie se rend compte que l’esprit responsable de la mort de sa mère est entré dans le monde des vivants. Alors qu’elle enquête, elle va réaliser que des médiums sont prises pour cibles par un tueur en série… et que, si elle ne démasque pas très vite le coupable, sa sœur et elle pourraient bien être les prochaines.

« Délicieusement glaçant et plein de suspense. » Nina LaCour, autrice de Tout va bien

Mon avis

Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre avec ce roman, et il s’est avéré une excellente surprise.

Edie et Violet sont des jumelles de 17 ans, toutes deux mediums, comme leur mère. Après la mort de cette dernière, quand leur père a découvert leur don, il a voulu les faire interner. Elles se sont alors enfuies et ont trouvé refuge au sein d’une troupe de femmes qui exercent sur scène des talents similaires aux leurs. On suit l’histoire du point de vue d’Edie, la moins insouciante des jumelles, profondément marquée par le décès de leur mère, auquel elle a assisté, impuissante.

L’intrigue principale se déroule dans le Sacramento de la fin du XIXe siècle. Elle tourne d’abord autour de la quête d’indépendance financière des jumelles, mais vire rapidement au thriller lorsque, au cours d’une représentation, le numéro de Violet dégénère et qu’Edie soupçonne un lien entre cet incident et le décès de leur mère. S’ensuit alors une véritable enquête au cours de laquelle Edie va faire la lumière sur une affaire de meurtres en série de femmes évoluant plus ou moins ouvertement dans le milieu du spiritisme.

J’ai beaucoup apprécié le mélange des genres, que j’ai trouvé vraiment très réussi : l’intrigue et le mystère qui entoure le décès de la mère des jumelles sont bien ficelés, le côté fantastique du récit est bien travaillé, avec une jolie attention portée aux détails (mention spéciale pour les herbes utilisées par les deux sœurs pour exercer leur don), et la petite romance en toile de fond s’avère touchante sans être envahissante.

Mais ce que j’ai préféré, c’est le contexte historique (à ce sujet, le mot de l’autrice en fin de roman est d’ailleurs très intéressant à lire). Parce qu’Amanda Glaze nous montre parfaitement, au travers de son roman, des mésaventures et des craintes d’Edie, la condition féminine qui règne en Californie à la fin du XIXe siècle. Et j’ai pu découvrir via les personnages des jumelles et de leurs proches l’histoire du spiritualisme moderne anglo-saxon qui, sous couvert de communication avec le monde des esprits, a permis de libérer la parole et le talent artistique des femmes et a œuvré pour leurs droits : un lien entre ce mouvement et les luttes féministes dont je ne soupçonnais pas du tout l’existence.

Quelques extraits

— C’est la femme qui…
— Qui a été envoyée à l’asile pour avoir pris un traitement contraceptif, compléta Ruby. Oui, c’est elle.
Les regards d’Edie et de Violet se croisèrent, et une pensée muette passa entre elles.
— J’ai suivi toute l’affaire dans le Daily Union, poursuivit Ruby en secouant la tête. Son bon à rien de mari l’a juste jetée dans cet asile. Il se fiche que le médecin lui ait dit qu’avoir un autre bébé la tuerait. Ou que, maintenant qu’elle est enfermée, il n’y ait plus personne pour s’occuper des deux enfants qu’elle a déjà.

Contrairement à Violet, dont le don pour invoquer les esprits correspondait très bien à ce que l’assistance attendait d’une médium professionnelle, le talent d’Edie était décidément moins… théâtral. Quand son esprit quittait le monde des vivants pour gagner le Voile qui le séparait de la mort, il laissait son corps derrière lui. Et elle était certaine que, même si leur audacieux directeur de tournée, M. Huddle, avait été au courant de ses capacités, il aurait été bien en peine de trouver un public prêt à regarder Edie pâlir et se refroidir progressivement tout en ayant l’air de faire la sieste.

— Depuis trop longtemps, lança-t-elle d’une voix limpide et assurée, un système d’oppression et de répression est en place contre les femmes. Trop souvent, une petite fille qui ose exprimer une opinion contraire à celle, par exemple, de son frère, se heurte au rappel insultant et insupportable de son infériorité : « Et alors, tu es une fille. Comment pourrais-tu le savoir ? »

Edie se prépara à ignorer ce défi silencieux. L’assistance n’avait pas envie d’un discours politique. Tous ces gens étaient là pour qu’on les divertisse.
Inclinant la tête vers l’arrière, elle inspira afin de devenir Jeanne d’Arc. Puis le visage de Laura de Force s’imposa à son esprit, tel qu’elle l’avait vu plus tôt en train d’adresser à la foule des paroles vibrantes. Des paroles qui ne se contentaient pas de demander le changement, mais qui l’exigeaient.
Quelqu’un toussota. Des jupes bruissèrent contre le velours des sièges. Edie était sur scène depuis presque une minute, à présent. Il fallait qu’elle commence son discours.
Alors, pourquoi ses lèvres refusaient-elles de bouger ?
Elle prit une nouvelle inspiration, fermant les yeux, cette fois.
Puis elle les rouvrit.
C’était bien simple, elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas prendre la parole sur scène, un jour comme celui-là, pour prêcher les vertus du sacrifice. Comme si les femmes n’étaient bonnes qu’à ça.

Au bilan

Un très bon thriller fantastique young-adult, sublimé par un cadre historique intéressant et bien documenté.

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