Chronique du roman de Christian Carayon : Comment va la nuit ?

Des personnages émouvants et justes, dans un roman noir servi par une plume sensible et pudique.

Le roman

Genre : roman noir

Éditions Hervé Chopin
Disponible en versions brochée et numérique

Résumé

Dans une construction magistrale à la chronologie inversée, Christian Carayon remonte aux origines du mal.

Anthony Malo est en train de mourir. Seul. Un dernier élan le pousse à se jeter dans le froid et à se traîner jusqu’à la grange où il laisse, comme un appel, une couverture brodée qui lui a été offerte par une femme qu’il a aimée.

Cet homme solitaire, véritable énigme pour tous les gens du village au creux des Alpes où il s’est installé dix ans plus tôt, n’a jamais expliqué son passé… Victoria, la jeune infirmière réfugiée dans la vallée pour une raison qu’on ignore aussi, est la seule à avoir approché le mystère.

couverture du roman Comment va la nuit ?

Mon avis

Je me suis laissée séduire par ce roman en raison de la promesse d’une construction « à la chronologie inversée ». Pour qu’elle soit ainsi mise en avant, je me suis dit que cette construction devait beaucoup se démarquer de ce qui se fait habituellement. Eh bien, je dois avouer que ce point-là m’a quelque peu déçue, et me semble largement survendu : certes, le récit ne se déroule pas dans l’ordre chronologique, mais le procédé utilisé n’est pas particulièrement original. Un prologue (intitulé « épilogue », pour bien faire écho à la promesse de la quatrième de couverture) qui dévoile grosso modo la fin du roman. Trois parties qui remontent le temps petit à petit, à trois époques distinctes, mais écrites chacune dans l’ordre chronologique (c’est là que se trouve la supercherie par rapport à ce qu’annonce la quatrième de couverture, je trouve !), et un épilogue (intitulé « prologue », comme on pouvait s’y attendre), qui vient clôturer le récit et n’a à mon avis rien d’un prologue et plutôt tout d’un épilogue.

Mais passons.

Parce que malgré cette déception par rapport à l’argument qui m’a initialement décidée à ouvrir le livre, j’ai adoré ma lecture. Et je me rends compte que mes coups de cœur procèdent tous du même ressort : mon attachement aux personnages et l’intensité des émotions que je ressens en découvrant leur histoire.

Car oui, j’ai aimé les personnages. Avec leurs nombreux défauts, leurs multiples et lourdes blessures… Leur façon d’être humains. Juste humains. Profondément humains. Anthony, Victoria, Suzon, Tonton Marc, Katel… Et surtout, surtout : Maman. Je crois que, depuis que je suis moi-même devenue mère, aucun personnage de mère ni aucune relation mère-enfant ne m’ont autant émue et remuée dans un roman que dans Comment va la nuit ? La plume sensible et pudique de Christian Carayon, la force sereine de ses mots et de tous les non-dits poignants qui se cachent entre ses lignes, y sont certainement pour beaucoup.

Et au final, la construction, si elle n’a rien d’exceptionnel (à mes yeux du moins), me semble parfaitement naturelle et au service du récit : le roman s’ouvre sur une scène où Anthony se trouve au seuil de la mort, qui éveille une curiosité légitime à comprendre comment il en est arrivé là. Toute la suite du livre permet de dévoiler petit à petit son cheminement, les divers événements clés de sa vie, et les bascules qu’ils ont tour à tour déclenchées. De manière magistrale.

Quelques extraits

Il a beau chercher, il se rend compte qu’il n’a jamais douté d’elle. Quand elle reste tard le soir à son travail et que la nuit venue, elle n’est toujours pas à la maison. Quand elle pleure à en inonder la toile cirée de la cuisine. Quand elle traverse leur royaume en courant, une serviette-éponge enturbannée autour de la tête, une autre enroulée autour d’elle, pestant contre les habits qu’elle ne trouve pas et la pendule prise d’une frénétique envie de transformer les minutes en secondes, ordonnant à son fils d’arrêter le temps sur-le-champ comme tout bon lapin qui se respecte. Quand elle lui répond qu’elle sait le nom de son père, que, contrairement à ce qu’elle écrit sur les papiers, il n’est pas inconnu mais n’est surtout pas père. Elle dit que c’est ce mot qui est en trop et, à partir de ce jour-là, elle le raie systématiquement. Anthony ne la suspecte pas de lui mentir. Jamais il n’a pensé qu’elle puisse l’abandonner si elle est en retard. Il ne lui en veut pas d’être plus jeune et bien plus belle que les autres mères. Il sait que Maman est un roc. Elle tient bon, seule contre tous. Ainsi que l’assure maître Roumazeille, il faudrait davantage qu’une armée pour en venir à bout.

Il a demandé ce qui se passait et Maman lui a répondu que ce n’était rien de dramatique. Elle a attendu qu’ils soient dans leur appartement pour lui dire que ce grand-père qui ne voulait pas les voir venait de mourir.
— Tu es triste ? a-t-il questionné bêtement.
Elle a hésité, a retroussé son nez, ramené ses cheveux en arrière et les a gardés serrés entre ses doigts.
— Non, je ne crois pas. Je l’ai trop été le jour où il a renoncé à être mon père.
— Il a fait ça à cause de moi ?
— Non, Lapin. À cause de lui. Uniquement à cause de lui.

Au bilan

Un énorme coup de cœur pour ces personnages blessés, ces amitiés et ces amours intenses, qui m’ont arraché des larmes d’émotion au long de chapitres entiers.



👉 Retrouvez mes autres chroniques de livres et séries.

👉 Découvrez les interviews d’auteurs ou autrices.

👉 Vous lisez beaucoup et disposez d’un budget limité ? Retrouvez toutes mes astuces pour lire gratuitement ou à petits prix en toute légalité : le bookcrossing, le désherbage, ou encore les partenariats, n’auront plus de secrets pour vous ! 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas visible. Les champs obligatoires sont marqués *

Chargement...